Le journal américain International New York Times a publié, le 19 novembre dernier, un long plaidoyer pour la liberté de presse au Vietnam. L’article a provoqué un certain nombre de réactions et débats dans le pays, plus particulièrement sur les sites et les blogs indépendants.

Le retentissement de l’article est dû non seulement à son contenu critique mais surtout à la personnalité de son auteur, qui n’est autre que Nguyên Công Kê, l’ancien rédacteur en chef, - évincé en 2009 - , du journal Thanh Niên ("Jeunesse"), organe des « Jeunesses communistes », l’un des journaux les plus lus dans le pays.

Cette revendication certes n’est pas originale et a été exprimée par nombre d’instances de la société civile. Dans un pays où tous les journaux vendus dans les kiosques sont contrôlés par le gouvernement et plus particulièrement par une commission nommée « Propagande et Education », la liberté d’expression se situe en tête de la liste des droits réclamés. L’Eglise catholique, qui n’a droit qu’à la publication d’un bulletin confidentiel de nouvelles, revendique ce droit depuis toujours. Plusieurs documents épiscopaux en font mention. Récemment, sous l’inspiration de certains prêtres journalistes, une association de journalistes indépendants a été fondée.

Cependant, la particularité de l’article publié aux États-Unis tient à la personnalité de son auteur, au fait qu’il ne met pas en cause la légitimité du régime actuel et considère au contraire, que la liberté accordée aux journalistes ne peut que renforcer les institutions actuelles.

L’auteur commence par déclarer que la liberté de la presse est indispensable au développement économique et politique du Vietnam et au parti communiste lui-même si celui-ci désire recouvrer le soutien de la population. Selon l’ancien rédacteur en chef de l’organe des Jeunesses communistes, les relations entre le gouvernement et la presse se sont largement dégradées au cours de la période écoulée. Les cinq années précédentes ont vu apparaître de nombreux changements dans le comportement des autorités vis-à-vis des journaux.

Le gouvernement vietnamien multiplie chaque jour le nombre des sujets censurés car considérés comme « sensibles », comme par exemple les relations avec la Chine, les conflits de terrains, la santé des dirigeants… Ces interdictions obligent les journalistes à ne traiter que des sujets sans intérêt, écartant ainsi les lecteurs de la lecture des journaux « orthodoxes ». Les deux plus grands hebdomadaires du Vietnam à savoir Tuôi Tre et Thanh Niên auraient ainsi perdu les deux tiers de leurs bénéfices publicitaires depuis 2008. Au lieu de lire la presse officielle, les lecteurs se tournent vers d’autres sources d’information, en particulier vers les journaux étrangers diffusés sur le réseau Internet.

Les réseaux sociaux se développent à une grande vitesse, ainsi que les blogs intellectuels, des anciens membres du parti et des militants critiques du régime. Le nombre des Vietnamiens surfant sur Internet est, aujourd’hui, l’un des plus élevés du monde…

Après cette description peu encourageante de la situation des médias officiels, l’ancien animateur de l’organe des Jeunesses communistes plaide pour l’avènement de la liberté de presse. Selon lui, elle aidera les dirigeants à reconquérir la confiance de la population. Il pense qu’une presse libre ne fera que renforcer le régime actuel. Elle concurrencera la diffusion de nouvelles non contrôlées sur Internet.

L’auteur de l’article paru sur le journal américain précise à ce sujet, que les textes diffusés sur Internet sont responsables du soupçon et de la méfiance affichée par une large partie du public à l’encontre de la présentation officielle d’un certain nombre de faits du passé, comme par exemple, les origines du Parti communiste vietnamien, la bataille de Dien-Bien-Phu, la biographie et la personnalité d’Ho Chi Minh, ainsi que beaucoup d’autres épisodes contestés de l’histoire officielle. Aucun journaliste de la presse officielle ne s’est en effet engagé dans la vérification ou la réfutation de ces versions des faits, par peur de la censure.

Il n’existe qu’un seul remède à cette anémie de la presse officielle : la liberté. L’auteur conclut : « la liberté de presse et une bonne chose pour notre pays, une bonne chose pour le régime ! ».

Le 31 décembre 2008 une décision émanant du comité central des Jeunesses communistes avait évincé le journaliste Nguyên Công Kê de son poste de rédacteur en chef du journal Thanh Niên, en poste depuis 23 ans. Dans l’esprit de ses lecteurs, son nom était associé à celui de ce journal.

(Source: Eglises d'Asie, le 25 novembre 2014)