Face à une natalité décidément déprimée, le Premier ministre appelle les jeunes couples à prendre « un départ au galop » en ce début d’année du Cheval. Le 30 janvier dernier, le Premier ministre de Singapour, Lee Hsien Loong, a attiré l’attention des Singapouriens sur le caractère durablement bas de la natalité dans la cité-Etat. « En dépit de nos efforts pour promouvoir les mariages et les naissances, le taux de natalité [à Singapour] reste malheureusement trop faible. Nous devons essayer de faire mieux et j’espère que l’année du Cheval verra une amélioration de ce point de vue », a déclaré le Premier ministre, ajoutant entrevoir « un départ au galop » au seuil de l’entrée dans la nouvelle année chinoise, qui débute aujourd’hui 31 janvier.
S’adressant aux Singapouriens pour le traditionnel message du Nouvel An lunaire, Lee Hsien Loong a en effet souligné que la Saint-Valentin, fêtée tous les 14 février, coïncidait cette année avec le 15ème jour des festivités du Nouvel An lunaire. Célébrée sous le nom, en dialecte hokkien, de Chap Goh Mei, la fête des lanternes clôt traditionnellement la période des célébrations du Nouvel An liées à la Fête du printemps, et est considérée comme un jour particulièrement faste. « Près de 300 couples ont déposé une demande pour que leur mariage soit enregistré lors de ce jour auspicieux. Nous pouvons donc penser que cette année démarrera au galop ! », a déclaré le Premier ministre, non sans ajouter « espérer entendre tout au long de l’année le son des cloches annonciateur de nouveaux mariages et les cris de nombreux nouveau-nés ».
Dans l’immédiat, Lee Hsien Loong, lui-même père de quatre enfants, a rappelé à ses concitoyens que l’indice de fécondité pour l’année 2013 était tombé à 1,19 enfant par femme en âge de procréer. Un chiffre très éloigné des 2,1 enfants par femme, nécessaire au renouvellement des générations (un seuil qui n’a plus été atteint à Singapour depuis 1975), et un chiffre dont le déclin ne ralentit pas (il était encore à 1,29 enfant par femme en âge de procréer en 2012).
Les statistiques gouvernementales indiquent aussi que la fécondité des Singapouriennes d’origine chinoise (la population de la cité-Etat étant à 74 % d’origine chinoise) est la plus déprimée, avec 1,06 enfant par femme, en comparaison des Singapouriennes d’origine indienne et surtout d’origine malaise (le taux de fécondité de ces dernières étant proche de 1,7 enfant par femme).
A l’évidence, la politique de relance de la natalité menée par le gouvernement ne fonctionne pas et les appels à procréer lancés avec une régularité de métronome par le Premier ministre à l’occasion des messages du Nouvel An lunaire ne sont pas entendus. Voté en 2012, le Marriage and Parenthood Package 2013 se montre pourtant plutôt généreux. Il a accru la portée des mesures fiscales dont les effets sont comparables au système français du quotient familial et le niveau des allocations familiales a été augmenté à un niveau assez conséquent (1).
Des voix à Singapour n’hésitent cependant pas à dénoncer l’arrière-plan idéologique qui continue de présider à la politique familiale et de promotion des naissances mise en place par les autorités. Si ces dernières ont renoncé à promouvoir uniquement les naissances « de qualité » – ainsi qu’elles l’avaient fait dans les années 1980 lorsqu’elles incitaient les seules femmes diplômées à procréer –, les fondements socialement eugénistes de la politique nataliste du gouvernement n’ont pas totalement disparu, rappellent certains médecins singapouriens.
Face à la raréfaction des naissances chez les citoyens singapouriens, les autorités ont donc progressivement augmenté le recours à la main-d’œuvre étrangère, que celle-ci soit hautement qualifiée ou faiblement qualifiée. Au point qu’aujourd’hui, sur une population totale de 5,3 millions de personnes, la cité-Etat compte 65 % de citoyens singapouriens, 10 % de « résidents permanents » – des étrangers qui jouissent par exemple du droit de faire venir leur famille auprès d’eux –, et de 25 % de « travailleurs étrangers » – qui ne jouissent pas de ce droit.
La publication par le gouvernement en février dernier d’un Livre blanc sur les perspectives de la cité-Etat à moyen terme avait soulevé à cet égard de vifs débats. Les autorités y prévoyaient en effet que la population de Singapour passerait à 6,9 millions d’habitants en 2030, les vingt années à venir s’accompagnant de l’octroi annuel de 30 000 cartes de résidents permanents et de 25 000 naturalisations. Les citoyens actuels, qu’ils appartiennent à la majorité chinoise ou aux minorités indienne et malaise, avaient fortement réagi à cette perspective, bon nombre d’entre eux estimant que Singapour n’était pas en mesure d’absorber un tel flux d’étrangers. La nuit d’émeutes qui avait agité un quartier de ‘Little India’ le 8 décembre dernier – une première depuis les émeutes raciales de 1964 – était venue rappeler que l’intégration d’une main-d’œuvre cantonnée dans un statut précaire de « travailleurs étrangers » n’allait pas de soi. (eda/ra)
(1) Les allocations familiales sont constituées d’un système double : des cash gifts accordés lors de la première année de la naissance de l’enfant (au 26 août 2012, le montant de ces allocations a été porté à 6 000 dollars de Singapour (3 500 euros) pour les premier et deuxième enfant, et à 8 000 dollars pour les troisième et quatrième enfant), et un système d’épargne abondée par l’Etat. Ce dernier fonctionne jusqu’à un plafond de 6 000 dollars pour les premier et deuxième enfant, 12 000 dollars pour les troisième et quatrième enfant et 18 000 dollars pour le cinquième enfant et au-delà ; l’Etat abonde d’un dollar chaque dollar épargné par les parents pour leurs enfants. Ce dispositif est annuel et renouvelé jusqu’au 12 ans de chaque enfant ; le capital ainsi accumulé doit être utilisé pour financer l’éducation et l’établissement des enfants du foyer.
(Source: Eglises d'Asie, le 31 janvier 2014)
S’adressant aux Singapouriens pour le traditionnel message du Nouvel An lunaire, Lee Hsien Loong a en effet souligné que la Saint-Valentin, fêtée tous les 14 février, coïncidait cette année avec le 15ème jour des festivités du Nouvel An lunaire. Célébrée sous le nom, en dialecte hokkien, de Chap Goh Mei, la fête des lanternes clôt traditionnellement la période des célébrations du Nouvel An liées à la Fête du printemps, et est considérée comme un jour particulièrement faste. « Près de 300 couples ont déposé une demande pour que leur mariage soit enregistré lors de ce jour auspicieux. Nous pouvons donc penser que cette année démarrera au galop ! », a déclaré le Premier ministre, non sans ajouter « espérer entendre tout au long de l’année le son des cloches annonciateur de nouveaux mariages et les cris de nombreux nouveau-nés ».
Dans l’immédiat, Lee Hsien Loong, lui-même père de quatre enfants, a rappelé à ses concitoyens que l’indice de fécondité pour l’année 2013 était tombé à 1,19 enfant par femme en âge de procréer. Un chiffre très éloigné des 2,1 enfants par femme, nécessaire au renouvellement des générations (un seuil qui n’a plus été atteint à Singapour depuis 1975), et un chiffre dont le déclin ne ralentit pas (il était encore à 1,29 enfant par femme en âge de procréer en 2012).
Les statistiques gouvernementales indiquent aussi que la fécondité des Singapouriennes d’origine chinoise (la population de la cité-Etat étant à 74 % d’origine chinoise) est la plus déprimée, avec 1,06 enfant par femme, en comparaison des Singapouriennes d’origine indienne et surtout d’origine malaise (le taux de fécondité de ces dernières étant proche de 1,7 enfant par femme).
A l’évidence, la politique de relance de la natalité menée par le gouvernement ne fonctionne pas et les appels à procréer lancés avec une régularité de métronome par le Premier ministre à l’occasion des messages du Nouvel An lunaire ne sont pas entendus. Voté en 2012, le Marriage and Parenthood Package 2013 se montre pourtant plutôt généreux. Il a accru la portée des mesures fiscales dont les effets sont comparables au système français du quotient familial et le niveau des allocations familiales a été augmenté à un niveau assez conséquent (1).
Des voix à Singapour n’hésitent cependant pas à dénoncer l’arrière-plan idéologique qui continue de présider à la politique familiale et de promotion des naissances mise en place par les autorités. Si ces dernières ont renoncé à promouvoir uniquement les naissances « de qualité » – ainsi qu’elles l’avaient fait dans les années 1980 lorsqu’elles incitaient les seules femmes diplômées à procréer –, les fondements socialement eugénistes de la politique nataliste du gouvernement n’ont pas totalement disparu, rappellent certains médecins singapouriens.
Face à la raréfaction des naissances chez les citoyens singapouriens, les autorités ont donc progressivement augmenté le recours à la main-d’œuvre étrangère, que celle-ci soit hautement qualifiée ou faiblement qualifiée. Au point qu’aujourd’hui, sur une population totale de 5,3 millions de personnes, la cité-Etat compte 65 % de citoyens singapouriens, 10 % de « résidents permanents » – des étrangers qui jouissent par exemple du droit de faire venir leur famille auprès d’eux –, et de 25 % de « travailleurs étrangers » – qui ne jouissent pas de ce droit.
La publication par le gouvernement en février dernier d’un Livre blanc sur les perspectives de la cité-Etat à moyen terme avait soulevé à cet égard de vifs débats. Les autorités y prévoyaient en effet que la population de Singapour passerait à 6,9 millions d’habitants en 2030, les vingt années à venir s’accompagnant de l’octroi annuel de 30 000 cartes de résidents permanents et de 25 000 naturalisations. Les citoyens actuels, qu’ils appartiennent à la majorité chinoise ou aux minorités indienne et malaise, avaient fortement réagi à cette perspective, bon nombre d’entre eux estimant que Singapour n’était pas en mesure d’absorber un tel flux d’étrangers. La nuit d’émeutes qui avait agité un quartier de ‘Little India’ le 8 décembre dernier – une première depuis les émeutes raciales de 1964 – était venue rappeler que l’intégration d’une main-d’œuvre cantonnée dans un statut précaire de « travailleurs étrangers » n’allait pas de soi. (eda/ra)
(1) Les allocations familiales sont constituées d’un système double : des cash gifts accordés lors de la première année de la naissance de l’enfant (au 26 août 2012, le montant de ces allocations a été porté à 6 000 dollars de Singapour (3 500 euros) pour les premier et deuxième enfant, et à 8 000 dollars pour les troisième et quatrième enfant), et un système d’épargne abondée par l’Etat. Ce dernier fonctionne jusqu’à un plafond de 6 000 dollars pour les premier et deuxième enfant, 12 000 dollars pour les troisième et quatrième enfant et 18 000 dollars pour le cinquième enfant et au-delà ; l’Etat abonde d’un dollar chaque dollar épargné par les parents pour leurs enfants. Ce dispositif est annuel et renouvelé jusqu’au 12 ans de chaque enfant ; le capital ainsi accumulé doit être utilisé pour financer l’éducation et l’établissement des enfants du foyer.
(Source: Eglises d'Asie, le 31 janvier 2014)