Depuis longtemps déjà, aussi bien le discours du magistère catholique que la presse indépendante au Vietnam ont dénoncé la pratique ordinaire au plus haut niveau du mensonge, de la fraude, de la dissimulation de la vérité. Un article paru sur le site Internet de la Commission ‘Justice et Paix’, signé Pierre Nguyên, s’interroge à nouveau à ce sujet (1). Il propose au lecteur « un certain nombre d’hypothèses » susceptibles d’expliquer cette omniprésence oppressante du mensonge au sein de la société vietnamienne d’aujourd’hui.

Selon l’auteur, la falsification de la vérité est l’un des maux les plus graves qui rongent de l’intérieur la société vietnamienne. Elle est à l’œuvre dans presque tous les domaines de la vie quotidienne. Elle se présente sous de nombreuses formes et sous de multiples étiquettes. Sa présence est ressentie comme très ordinaire. Elle est une pratique ordinaire au sein des moyens de communication officiels. Dans les activités politiques, les activités économiques, la recherche scientifique, l’éducation nationale, et même au sein des activités caritatives, partout le mensonge et la fraude font rage.

Le mensonge est l’arme du faible, affirme la tradition vietnamienne, mais aussi et surtout, il est l’instrument indispensable de la stratégie des détenteurs du pouvoir qui s’en sert pour arriver à ses fins. L’article de ‘Justice et Paix’ constate que c’est là un aspect de la société actuelle connu de tout le monde, et considéré par beaucoup comme normal. Au-delà de ce constat, il se propose ensuite de découvrir les causes de ce phénomène.

La première explication proposée ne concerne pas seulement la situation particulière de la société vietnamienne. Elle est d’ordre universel et théologique. L’auteur montre comment le mensonge est au cœur même de ce que le christianisme appelle le péché. Il lui est consubstantiel. En ce sens, ce mensonge actuel dans la société est une des conséquences du péché originel.

Après s’être interrogé ensuite pour savoir si la tradition culturelle du Vietnam pourrait avoir eu quelque influence sur l’apparition de ce fléau du mensonge au sein de la société, l’auteur se tourne vers l’idéologie régnante, le marxisme-léninisme, considéré par la Constitution comme le moteur idéologique de la société. Les dirigeants vietnamiens déclarent que cette doctrine est la boussole, le fondement idéologique de toutes les activités sociales.

L’article déclare qu’il s’agit d’une théorie riche en développements économiques et aperçus sur la stratégie politique, mais totalement dépourvue de toute de morale sociale humaniste. Elle fait abstraction des droits de l’homme, de la dignité humaine, de la conscience, de la liberté, etc. En appliquant les catégories du marxisme-léninisme à tous les domaines de la vie quotidienne et de la société, les dirigeants marxistes ont édifié une société sans démocratie ni liberté, dans laquelle la conscience individuelle ne peut plus s’exprimer, ni ne peut plus dire la vérité.

La presse officielle, sévèrement contrôlée, elle non plus, ne peut plus remplir ce rôle. Et, ainsi, le mensonge des faibles vient conforter celui des puissants. Selon l’auteur, la soumission de la société civile à ce système imposé a détruit au Vietnam toute une tradition séculaire de valeurs et de pratiques morales devenues aujourd’hui désuètes. Selon ‘Justice et Paix’, le fléau du mensonge fait de grands ravages. Aujourd’hui, seuls les croyants et un petit nombre de personnes cultivées résistent encore à cette destruction des valeurs. La plupart des cadres actuels ont oublié les racines culturelles de la société vietnamienne. Le système idéologique en vigueur a obscurci leur compréhension. En revanche, le mensonge et le matérialisme pratique se sont partout répandus.

Cependant, à la fin de l’article, un appel est lancé aux lecteurs pour qu’ils réagissent. Trois attitudes leur sont recommandées. En premier lieu, les croyants doivent réagir avec force publiquement, par exemple, en organisant des colloques sur le sujet « Marxisme et morale traditionnelle au Vietnam ». Il faut ensuite mettre en œuvre ce type d’éducation traditionnelle, sans compromission avec un système politique. Enfin, les chrétiens doivent s’engager et prier le Seigneur pour qu’ils « leur envoie l’esprit de vérité qui les conduira jusqu’à la vérité tout entière ». (eda/jm)

(1) Commission épiscopale ‘Justice et Paix’, le 7 avril 2014. http://conglyvahoabinh.org/gia-thuyet-ve-mot-so-nguyen-nhan-cua-su-gia-doi-trong-xa-hoi-viet-nam-hien-nay/2014/04/

(Source: Eglises d'Asie, le 15 avril 2014)