Le pape François a célébré la béatification de 124 martyrs coréens des XVIIIème et XIXème siècles le 16 août 2014 au centre de Séoul, devant quelque 800 000 fidèles. A cette occasion, il a appelé les catholiques à suivre avant tout Jésus-Christ plutôt que « le monde », à ne pas faire de « compromis sur la foi » ni « diluer les exigences radicales de l’Evangile » ou se conformer « à l’esprit du temps ».

C’est face à une foule enthousiaste et fortement recueillie que le pape François a célébré la béatification du laïc Paul Yun Ji-chung et de ses 123 compagnons, des Coréens tués en « haine de la foi » entre 1791 et 1888, premiers évangélisateurs de la péninsule, rapporte l’agence I-Media. A l’exception d’un prêtre chinois venu évangéliser la Corée, tous étaient des laïcs coréens.

Depuis l’autel installé sur podium blanc au pied de la Porte de Gwanghwamun, le pape a prononcé en latin la formule de béatification saluée par les cris et les applaudissements des fidèles installés entre les hauts immeubles du centre de la capitale sud-coréenne.

Dans son homélie, le pape François a d’abord souligné que, « dans la mystérieuse providence de Dieu », la foi chrétienne n’était pas parvenue sur les rivages de Corée par des missionnaires mais y était entrée « par les cœurs et les esprits des Coréens eux-mêmes ». Soulignant l’importance de la vocation des laïcs, le pape a quitté son texte des yeux pour assurer que ceux-ci avaient été « les premiers apôtres de la Corée ». Puis il a assuré que les martyrs et les premiers chrétiens du pays avaient dû choisir entre « suivre Jésus ou le monde ».

« Ils avaient entendu l’avertissement du Seigneur, que le monde les haïrait à cause de lui, ils savaient le prix d’être disciples », a relevé le pape. « Pour beaucoup, cela a signifié la persécution et, plus tard, la fuite dans les montagnes, où ils formèrent des villages catholiques », a poursuivi le pape avant d’assurer que les premiers chrétiens « étaient prêts à de grands sacrifices et à se laisser dépouiller de tout ce qui pouvait les éloigner du Christ : les biens et la terre, le prestige et l’honneur, puisqu’ils savaient que seul le Christ était leur vrai trésor ».

Et le pape de lancer une mise en garde aux fidèles : « Aujourd’hui, très souvent, nous faisons l’expérience que notre foi est mise à l’épreuve du monde, et, de multiples manières, il nous est demandé de faire des compromis sur la foi, de diluer les exigences radicales de l’Evangile et de nous conformer à l’esprit du temps. » Au contraire, a expliqué le pontife, « les martyrs nous rappellent de mettre le Christ au dessus de tout, et de voir tout le reste en ce monde en relation avec lui et avec son Royaume éternel. Ils nous provoquent à nous demander s’il y a une chose pour laquelle nous serions prêts à mourir ».

L’exemple des martyrs, a poursuivi le pape, « a beaucoup à nous dire, à nous qui vivons dans des sociétés où, à côté d’immenses richesses, grandit silencieusement la plus abjecte pauvreté ; où le cri des pauvres est rarement écouté ; et où le Christ continue à appeler, nous demandant de l’aimer et de le servir en tendant la main à nos frères et sœurs dans le besoin ». Le souverain pontife a conclu en proposant « l’héritage des martyrs » comme source d’inspiration offerte non seulement aux chrétiens mais à « tous les hommes et femmes de bonne volonté » pour « œuvrer en harmonie pour une société plus juste, libre et réconciliée, contribuant ainsi à la paix et à la défense des valeurs authentiquement humaines, dans ce pays et dans le monde entier ».

Lors de la prière universelle, l’une des intentions a été lue par un prêtre catholique chinois. S’exprimant en mandarin, celui-ci a dit : « Seigneur, nous sommes une Eglise persécutée. Mais toi, Seigneur de toute espérance, aide-nous. Bien que nous ayons reçu ton Evangile et soyons tes enfants, nous souffrons. Aide-nous à être autonome et en communion avec l’Eglise, et à ne jamais perdre espoir. »

Sous un ciel bas, dans une atmosphère particulièrement lourde lorsque le soleil venait à apparaître de temps à autre, des centaines de milliers de fidèles étaient alignés sur la très longue place Gwanghwamun, entre la porte du même nom et l'ancienne municipalité de Séoul. Une même casquette orange ou violette vissée sur la tête, ils ont attentivement suivi la longue messe de béatification tout près du site où, par le passé, furent condamnés, torturés puis conduits vers le martyre nombre de chrétiens.

Peu avant le début de la messe, le pape était allé se recueillir au sanctuaire de Soesomun, lieu où furent exécutés 44 des 103 martyrs canonisés en 1984 par son prédécesseur Jean-Paul II. En papamobile, il a ensuite parcouru en sens inverse le chemin que prirent ces martyrs. Condamnés à morts, ils étaient en effet paradés devant la porte de Gwanghwamun avant d’être emmenés à la porte de Soesomun pour y être mis à mort.

Entre 1791, date de l’exécution de Paul Yun Ji-Chung, et 1888, l’Eglise catholique estime que quelque 10 000 croyants ont subi le martyre. Les 103 martyrs canonisés par Jean-Paul II avaient été tués, pour la plupart d’entre eux, lors des répressions de 1839, 1846 et 1866. Les 124 béatifiés par le pape François appartiennent, pour la majorité d’entre eux, à la première génération des martyrs, celle mise à mort en 1801, à quelques exceptions près comme Joseph Yun Pong-Mun, pendu en 1888 à Chinju, soit deux ans après la signature du traité d’amitié entre la France et la Corée, qui comprenait une clause de respect de la liberté religieuse. Tous sont coréens et laïcs, à l’exception du P. Jacques Ju Wen-mo (1752-1801), prêtre chinois et premier prêtre catholique entré en Corée, qui fut un infatigable pasteur baptisant de nombreux croyants avant d’être arrêté et exécuté, empalé, par les autorités en 1801.

(eda/ra, avec Antoine-Marie Izoard de l’agence I-Media) (Source: Eglises d'Asie, le 16 août 2014)